“Les bons artistes copient, les grands artistes volent” PABLO PICASSO.
Je vais donc voler ce texte à mon pote TROUBA.
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10 ans. Une décennie, une décade. Faire des listes m'amuse, et parfois tu y vois des choses qui étaient devant tes yeux tout ce temps mais qui au milieu du magma boueux qu'est devenu la production, tu n'avais pas remarqué avant. Que c'est-il passé ses 10 dernières années entre le BUG de l'an 2000 et WIKILEAKS ?
Concentrons-nous sur la BD : qui fut l'auteur de BD qui représenta "à mes yeux" le top du top. Qui m'a ensorcelé au point de trépigner d'impatience à la moindre évocation d'un livre à la sortie imminente ? Qui ? Je sais qui a été pour moi l'auteur de BD, le plus important de la décennie 1990 > 1999, c'est simple : FRANK MILLER qui a terminé en beauté sous une pluie de flèches Perses une superbe carrière avec 300. Alors... qui fut celui des 10 dernières années... Allez, je ne vais pas vous faire le coup du suspens et " je vais chercher Maître Nadjar (huissier de "La Nouvelle Star") et puis prendre la pose devant les caméras, déplier mon papier aussi lentement que possible histoire de vérifier une dernière fois s'il n'était pas piégé Bagdad style". Nan, l'homme de la décennie pour moi :
c'est DARWYN COOKE.
(applaudissements)
Il a commencé sa fulgurante carrière en 2000 avec BATMAN : EGO et cette année, il vient de sortir la seconde adaptation de RICHARD STARK's PARKER : THE OUTFIT. 10 ANS tout rond.
KISS THE COOKE
DARWYN est un Canadien, donc naturellement nourri au COMICS Yankee et à la BD Franco Belge. En 1985, sélectionné lors d'une recherche de talent chez DC, il publia sa première histoire courte dans New Talent Showcase #19, c'était déjà du POLAR.
Et puis plus rien. Il n'a pas réussi à percer à l'époque et il est retourné à Toronto où il est devenu Directeur Artistique dans une revue de fashion, un truc dans le genre VOGUE. 15 ans à organiser des prises de vues pour U2 et LINDA ENGELISTA en slip... ou sans. Duraille comme job, si, si . Mais on sait que même la plus belle des femme finira par lasser l'homme qui n'est pas amoureux... DARWYN a voulu poursuivre son amour de jeunesse ; le COMICS. Il s'est remis à dessiner le plus possible puis a finalement quitté son poste de D.A. et a monté un petit studio d'animation. Il n'avait jamais perdu l'espoir de faire du COMICS. La seconde moitié des années '90 était assez prolifique en ONE SHOT assez originaux. On pouvait prendre BATMAN ou SUPERMAN et s'inventer une histoire délirante avec, absolument en dehors de la continuité des autres BAT COMICS et se faire joliment remarquer. DARWYN envoya un projet de one shot à DC COMICS. Son dossier a mis 4 longues années à finir sur le bureau de MARK CHIARELLO (alors devenu Directeur Artistique chez DC). Mark se dit qu'il faudrait bien qu'un jour quelqu'un pense à faire baisser cette immense pile de projets pré-sélectionnés en attente, juste histoire de dégager une sortie de secours ou deux. Il plonge dans la pile et récupère BATMAN : EGO. Mark contacte le dénommé DARWYN mais il a déménagé, il bosse désormais à L.A. pour WARNER BROS ANIMATION (donc la même boîte que lui, puisque DC est un filiale de TIME/WARNER). Il ne tarde pas à mettre la main finalement sur le prodige. Car en 4 ans, il en a fait du chemin le pas si jeune DARWYN qui avait répondu à une annonce postée par BRUCE TIMM et bossé avec lui sur BATMAN (il a storyboardé la séquence DARK KNIGHT RETURNS qui a soufflé tous ceux qui l'ont vu). DARWYN produira aussi le générique TOP HYPE à l'époque de BATMAN BEYOND, ce qui l'amènera à bosser sur SUPERMAN ANIMATED (toujours avec TIMM) puis devenir l'un des réalisateurs pour la série MEN IN BLACK : The series.
Mark Chiarello et COOKE remettent de l'ordre dans BATMAN : EGO et c'est en 2000, une agréable surprise qui fut offerte à tous ceux qui avaient été assez curieux pour l'ouvrir à l'époque. Chaque pages hurlaient son amour à BRUCE TIMM mais l'histoire serrée et intimiste (dans une totale intrspection schizofrènique, BATMAN qui lutte contre lui même pour savoir qui il est réellement... yep). Sa narration rétro et moderne à la fois accroche le lecteur qui en redemende.
Cette fois, COOKE ne lâche pas l'affaire, nan, nan, nan !!! Et pas question d'attendre que DC se sorte les doigts encore dans... 4 ans. Mister D. fonce chez MARVEL où il produit plusieurs histoires courtes pour des séries qui ont le vent en poupe comme X-FORCE scénarisé par PETER MILLIGAN et dessinée par MIKE 'MADMAN' ALLRED. Dans la foulée et dans la joie, il fait mumuse avec WOLVERINE/DOOP et un SPIDERMAN ultra cute, ultra rétro. Il revient chez DC quand STAN LEE y revisite le panthéon local (JUST IMAGINE... STAN LEE avec SUPERMAN ou BATMAN, etc...) COOKE fera une CATWOMAN version BLAXPOTATION. Pas mal pour un début.
En 2001, ED 'CRIMINAL' BRUBAKER a pour projet de donner une nouvelle jeunesse et une nouvelle crédibilité à CATWOMAN. Le coté salope en cuir violet sado-maso avec une queue en forme de fouet... Mmm, c'est trop années '90. Le public féminin qui d'habitude adore le perso et au bord du vomi et déserte le titre. Personne ne sait quoi faire avec le personnage qui vole aux riches pour garder pour elle.
(CATWOMAN par JIM BALENT... DARWYN COOKE et JOCK)
"TRAIL OF CATWOMAN" fut un peu le YEAR ONE de BRUBAKER & COOKE. Ce comics est à mes yeux ce qu'ils ont fait de plus beau de toute leur carrière et d'ailleurs ce fut cette histoire qui a mis un gros coup de loupe sur eux. Pour mémoire YEAR ONE, c'était 4 pauvres petits épisodes qui relataient les origines de BATMAN la première année (d'où le titre ) comme il était coutume de faire à chaque fois que DC voulait attraper de nouveaux clients. Ils ont laissés faire MILLER et MAZZUCHELLI sans savoir qu'ils avaient un CLASSIQUE sur les bras.
Pareil pour TRAIL OF THE CATWOMAN qui fut sérialisé en 4 épisodes foutus rapidos à la fin des comics de BATMAN #759 à #762 comme bonus. Au passage BRUBAKER et COOKE vont aller nous ressortir SLAM BRADLEY.
(CATWOMAN, la couverture censurée pour cause de bootilicious attitude)
Mais qui est SLAM BRADLEY ? Ce fut l'un des personnages principal d'un comics de mars 1937 DETECTIVE COMICS #1 (oui, comme les 2 lettres du logo de DC COMICS...) qui au numéro 19 verra apparaître un curieux personnage : BATMAN !!!!!! BRUBAKER se lancera un peu après sur GOTHAM CENTRAL avec MICHAEL LARK ce qui leur permettra de reprendre DAREDEVIL puis BRUBAKER fera avec SEAN PHILLIPS le meilleur polar disponible sur le marché actuellement CRIMINAL.
Le succès est immédiat, et la série de CATWOMAN nouvelle version est lancée. Pour la série cette fois, il faut un costume à SELINA KYLE, DARWYN fera alors quelque chose d'assez unique concernant la création d'un personnage féminin... il demandera à sa femme comment elle imaginerait le costume. Fini le look BIATCH hardos. Retour à la version de MILLER dans YEAR ONE, l'ex-prostituée (maîtresse SM) qui n'a jamais "rencontré de vrai mec"... mais qui va devenir une voleuse professionnelle.
COOKE pond les 4 premiers numéros encrés par MIKE ALLRED (bon, on se fait un réseau de copain ou pas ?) puis il nous monte une préquelle qui dépasse encore en qualité tout ce qu'on avait vu jusqu'à présent - SELINA : BIG SCORE.
Un polar noir de chez noir, tendu comme un string avec une ambiance '70 plutôt jouissive. L'un des personnages principaux de ce trio de banqueurs se nomme STARK... et il ressemble plutôt à LEE MARVIN, acteur qui a joué dans POINT BLANK de JOHN BOORMAN, la première adaptation à l'écran de THE HUNTER écrit par RICHARD STARK... rhoo le salaud, il avait tout prévu depuis le début. SELINA : BIG SCORE fait et fera pour toujours parti de mon ULTIMATE TOP 10 des meilleures BD jamais lues toutes catégories et toutes époques confondues. Si je veux montrer à quelqu'un ce que c'est que le COMICS, je file BATMAN : YEAR ONE ou SELINA : BIG SCORE.
(deux pages de l'histoire courte THE NEW FRONTIER, histoire de montrer ce que sera le comics...)
COOKE avait tout de même refilé un gros projet chez DC avant d'aller piger un peu chez MARVEL ; DC : THE NEW FRONTIER (2004)... Yep, le projet a mis 3 ans avant de se voir offrir le feu vert par les boss, COOKE se proposait sagement de prendre TOUS les personnages DC et de faire une histoire avec, qui se passerait dans les années '50 et où les dits-personnages apparaîtront dans l'ordre chronologique réel de leur venue du monde. 6 épisodes de 80 pages chacun, avec une parution mensuelle, of course. gloups, tout cela par un novice. DARWYN synthétise son trait au maximum pour coller au graphisme de l'époque et produit donc 480 pages dans lesquelles il fera tout sauf le lettrage et la couleur. C'est un massif succès.
Les références aux meilleurs auteurs du COMICS du SILVER AGE (JOE KUBERT, ALEX TOTH, JACK KIRBY, etc...) sont incorporées avec brio et jamais leur esprit original n'est fourvoyé. COOKE se permet même un vrai commentaire politique et social sur la période (racisme, mac carthysme, etc...). Visuellement COOKE est au sommet de son art, les couvertures originales flirtent avec l'abstraction et ne ne présenteront jamais les personnages dans des poses héroïques ou autres clichés rétro qu'il a su éviter.
Il gagnera un Eisner Award pour "Best Limited Series", et un Joe Shuster Award pour "Outstanding Canadian Comic Book Cartoonist". DC produira quelques années plus tard un dessin animé de DC: THE NEW FRONTIER.
Lorsque MARK CHIARELLO lance sa collection SOLO, c''est une bouffée d'air frais dans une production standardisée. Un auteur au commande tout seul pendant 48 pages, deux règles imposées; faire des histoires courtes et l'une d'entre elles doit avoir un personnage de chez DC. Après chacun choisit ses collaborateurs et fait ce qu'il veut. COOKE s'occupera tout seul et avec panache du N°5.
MISTER DC (rhooo, j'avais jamais vu ça encore...) va nous produire le numéro de SOLO le plus unique jamais créé, il découpera ces 48 pages comme un magazine, avec des histoires ultra courtes (deux pages) mais aussi des jeux et autres petits strips. Of course, SLAM BRADLEY sera de l'aventure mais aussi BATMAN dans une histoire qui aurait dû être scénarisé par BRUCE TIMM qui faute de temps laissera COOKE la charger d'une ambiance très NOIR.
SOLO (by COOKE) ressemble déjà à une première prise de recul sur son oeuvre écoulée 2000 > 2005. Plusieurs second rôle célèbres de ses propres histoires ont répondu présent ; SLAM BRADLEY, KING FARRADAY et même STARK. Le numéro sera récompensé par le Eisner Award pour "Best Single Issue" plus que mérité.
MISTER DC (rhaa, je vais pas m'en remettre... ;)...) ne touche plus terre, il se dit que c'est le moment d'envoyer balader ces conneries de super héros. Cela fait un bon moment qu'il ne se sent pas du tout en phase avec le tour que prennent les choses. Le sadisme, les viols et autres trucs faibles de scénaristes fainéants le saoulent. C'est le moment de sortir par la grande porte et d'aller faire du VRAI POLAR... mais où putain ? Où ? Quand SOUDAIN... le téléphone sonne " allô, DARWYN, t'es fan de WILL EISNER, toi non ? On a racheté tout EISNER et on voudrait ressortir THE SPIRIT mais rendre ça ... moins... (silence) ... vieux. Tu veux le faire ? Euh... DARWYN t'es toujours, là ?" [ce coup de fil n'a peut-être jamais eu lieu... c'était peut-être un mail...]
WHEN I THOUGHT I WAS OUT,
THEY PULL ME BACK IN.
Du coup, COOKE replonge, on lui file un CROSSOVER BATMAN / THE SPIRIT pour attirer les clients avec un scénar de JOEF LOEB qui n'a aucun lieu de parenté avec CAROLINE LOEB, mais JOEF, ses scénario, "C'EST LA OUATE...". On a failli croire qu'on avait perdu DARWYN entre les lignes d'un contrat d'exclusivité qui a l'effet secondaires de couper l'inspiration des auteurs. Et bien, non. la série de THE SPIRIT par DARWYN COOKE (et J. BONE à l'encrage) sera une vraie tuerie.
Une relecture moderne du mythe du SPIRIT... l'inverse du film... si vous voyez ce que je veux dire... hum... hum. COOKE se laisse petit à petit prendre au jeu et continuera bien après les 6 premiers numéros prévus avec 6 autres épisodes. En tout , 12 épisodes sublimes, 12 merveilles où COOKE irradie sous le soleil de WILL. Mais J.BONE doit partir travailler sur autre chose et DARWYN refuse de continuer sans lui.
Cette fois, c'est la bonne, DARWYN se cherche un nouveau papa et comme par hasard, un éditeur de chez Wildstorm, SCOTT DUNBIER, s'est fait lourder un peu méchamment et a rebondit sur un bureau chez IDW (30 JOURS DE NUITS, etc...), la boite qui monte. Les contacts sont pris avec DONALD WESTLAKE (RICHARD STARK était son pseudo car dans les année '60 ce n'était pas bien vu de livrer un livre en une semaine). WESTLAKE n'avait jamais laissé le personnage de PARKER être utilisé sous son vrai nom, plusieurs films avaient été fait mais jamais ils n'eurent le droit à utiliser son vrai nom; PARKER. Cette fois (magie de l'éditeur, SCOTT DUNBIER) COOKE a accès à tout.
Il travaille comme un fou, vivant dans un rêve, s'imposant un cadence folle et cette fois-ci, il fera tout, dessin, adaptation, encrage, couleur, lettrage. COOKE fini le livre et l'envoie à WESTLAKE avant la fin de l'année. Le paquet restera clos pendant plusieurs jours, puis DONALD WESTLAKE s'éteindra.
COOKE est ravagé, il ne saura jamais ce que STARK pensait vraiment de son travail.
DARWYN et DUNBIER savent qu'ils ont de la foudre entre les mains, COOKE mise gros. Soit il réussit et sa carrière sera belle et avec moins de cons volants dedans. Soit il se plante et va devoir gratter à la porte pour avoir du taffe... n'importe quoi. C'est le tout pour le tout. Est-ce que les GRAPHIC NOVEL peuvent se vendre ? Est-ce qu'il y a un public pour autre chose que des super héros ? IDW va sortir le livre à la maquette impeccable à une grande échelle pariant que STARK a beaucoup de fans quand même. Mais liront-ils le comics ?
DARWYN et SCOTT font alors un pari idiot, deviner en combien de temps le premier tirage sera épuisé avant réimpression... COOKE donne un chiffe, cela sera le double. PARKER est en rupture de stock VERY FAST !!! Les critiques sont excellentes... mais pas autant que le livre. Même pour les cinéphiles avertis, THE HUNTER reste un plaisir immense. Vous lisez les lignes d'un mec qui a vu une bonne partie de toutes les adaptations de ce roman produites au ciné et qui a chez lui les 2 versions de PAYBACK de BRIAN HELGELHAND et qui un jour a passé les deux films en même temps (DVD SALON + DVD MAC) pour en apprécier les subtiles différences de montage entre les deux.
COOKE trouve quand même le temps de dessiner deux épisodes de JONAH HEX, dont le formidable n° 50 où HEX, le chasseur de primes, doit attraper une bande de 50 voleurs. Hop, comme ça, sans les mains, je vous fais un western dark, dans un nouveau style et je vous mets encore une fois tout le monde à l'amende entre deux PARKER où je fous déjà tout le monde à genoux.
PARKER : THE OUTFIT sorti en 2010 marque la fin de décennie COOKE. Cette fois, pour ceux qui n'ont pas lu les romans, c'est TOUT neuf et le plaisir est encore plus intense. DARWYN joue eà merveille avec les variations de style, raconte de plus en plus l'histoire avec les images et quand il faut, il vous colle 4 pages de textes.
DARWYN COOKE réfléchit profondément au fond et la forme du COMICS. C'est un auteur considéré comme passéiste alors qu'il est d'une plus grande modernité que beaucoup de ses collègues "pseudo-futuristes". L'aspect GRAPHIQUE est ultra présent dans son travail, il est comme KYLE BAKER ou FRANK MILLER, un homme qui se recrée pour chaque nouveau projet. Il a une vision franche et directe de ce que doit être le COMICS. Pourquoi prendre des personnages pour enfant et leur faire faire des choses pour adultes, hein ? Si on fait de vraies histoires pour adultes, alors pourquoi y mettre des imbéciles en collants et capes de clowns ? Faut choisir.
Après ce que vient de dire cette année DARWYN (voir la vidéo
ICI) qui a été amplement commenté par les professionnels de la profession comme on dit, il semble que COOKE a choisit son camp. Il a mis sa gueule dans le même axe que ces couilles et il a quitté le monde des super héros. Ces derniers travaux sont des couvertures, un western et un polar noir. COOKE cite parmi ses influences "Paperback cover artist Mitchell Hooks, Bernard Kriegstien, Steve Engleheart, Yves Chaland, Rob Courdry, Dick Cheney, Bob Mitchum, Cornell Woolrich, Charlie Murphy, Ann Coulter, Al Sharpton, Al Franken, Alex Toth, Javier Pulido, Dave Bullock and colour artist Dave Stewart ".
"THIS IS DARWYN's WORLD, WE JUST LIVE IN IT".
(Ceci est la planète de DARWYN, on vit juste dessus, c'est tout.)
©TROUBA 2010.